Lettre ouverte aux élus du Conseil Général du Tarn

Lettre ouverte aux élus du Conseil Général du Tarn 

Mesdames, Messieurs les Conseillers généraux du Tarn Dans la nuit du samedi 25 octobre 2014, un jeune homme de 21 ans a été tué sur le site du barrage de Sivens. Cette mort n’est pas seulement tragique. Elle n’est pas seulement insupportable et révoltante. Elle nous oblige, tous et elle vous oblige plus que les autres, en tant que représentants de la collectivité ayant en charge la mise en œuvre de ce projet. La mort de Rémi Fraisse vous oblige à réfléchir à ce qui a pu conduire vers un tel drame. Vous avez suivi dans la presse locale la dégradation progressive du climat sur le site. Vous avez vu comment les opérations de déboisement ont entraîné une montée en puissance des violences. Vous avez écouté, à défaut de les entendre, les interpellations de vos collègues élus départementaux ou régionaux, ainsi que les alertes lancées par les responsables de collectifs citoyens opposés au barrage, sur le caractère explosif de la situation, et sur les risques inhérents à la confrontation répétée entre opposants au projet et forces de l’ordre. Vous aviez pourtant en main tous les éléments pour prendre la mesure de ce qui se passait. Depuis ce week-end, la réalité de la mort d’un homme est venue, de plein fouet, vous rappeler que ce qui se passe à Sivens vous concerne au premier chef. Mesdames et Messieurs les élus départementaux, par votre vote, vous avez soutenu le lancement des travaux avant que les recours n’aient été instruits, précipité le déboisement afin de ne surtout pas perdre les subventions européennes sollicitées, tenté d’empêcher tout retour en arrière par la politique du fait accompli, refusé aux collectifs d’opposants le débat démocratique que ces derniers réclamaient depuis au moins deux ans. Mesdames et Messieurs les élus, vous avez lu le rapport des deux ingénieurs mandatés par Ségolène Royal pour rendre un avis indépendant sur ce barrage. Vous avez découvert, ce que certains parmi vous savaient déjà, les fortes critiques adressées à un projet « médiocre », « surdimensionné », au nombre de bénéficiaires « surévalué », à l’étude d’impact clairement « insuffisante ». Nicolas Forrey et Pierre Rathouis s’interrogent sur un point qui mérite toute votre attention. « Ce qui nous a le plus chagriné est le fait qu’on est rentré dans une logique barrage dont on n’est pas sortis, c’est un peu dommage ». « Il y avait d’autres possibilités qu’un barrage (…), elles n’étaient pas plus onéreuses. L’une de ces possibilités était la création de retenues latérales en lieu et place d’un barrage classique ». Ils concluent : « Nous avons fait un certain nombre de critiques sur ce projet et nous nous sommes demandés pourquoi un certain nombre de personnes ne les ont pas faites avant nous ». De fait, il vous faut faire le constat que les réserves émises par ces deux ingénieurs experts indépendants confirment les positions défendues depuis de longs mois par les collectifs citoyens opposés au barrage. Ce que se demandent à mots couverts les deux experts du ministère de l’écologie, c’est pourquoi seuls trois d’entre vous, Messieurs Entraygues, Foissac et Pagès ont osé critiquer en séance publique le projet. Est-ce à dire qu’eux seuls ont étudié le dossier ? Est-ce à dire qu’eux seuls se sont posé des questions ? Mesdames et Messieurs les élus, ce constat est accablant. Mais il ne saurait être la fin de la triste histoire du barrage de Sivens. Vendredi, en séance plénière, puisque l’Etat rappelle que vous êtes les seuls responsables de ce projet, vous allez débattre de son devenir. Vous vous devez de revenir sur votre précédent vote et d’exiger un moratoire suffisamment long pour permettre de trouver la meilleure solution pour régler les problèmes d’eau d’une façon globale sur le bassin. Votre vote permettra à l’assemblée départementale de se sortir de l’impasse dans laquelle elle s’est fourvoyée. Dans une époque où la confiance dans nos représentants politiques est toujours plus altérée, il est temps de redonner du sens à l’action politique, en disant clairement que le projet de barrage de Sivens est un mauvais projet en l’état et qu’un moratoire doit être prononcé.