L’UE doit prendre le leadership international pour défendre la liberté de la presse

En cette Journée mondiale de la liberté de la presse, en tant que député européen et défenseur des droits humains, je ressens le devoir profond de rendre hommage aux journalistes du monde entier qui ont été persécutés ou tués en raison de leur travail.
Les journalistes sont nos yeux et nos oreilles. Ils nous informent, nous éduquent, éveillent les consciences et rappellent les détenteurs du pouvoir à leur responsabilité. Sans eux, nos institutions démocratiques et nos processus électoraux sont en péril.Or, 2024 a été l’année la plus meurtrière pour les journalistes. Au moins 124 journalistes et professionnels des médias ont été tués dans le monde, dont près des deux tiers sont des Palestiniennes et des Palestiniens tués par Israël. Du Congo à l’Ukraine, en passant par Gaza, les journalistes en première ligne dans les zones de conflit risquent leur vie pour nous transmettre les récits essentiels. Pourtant, l’impunité demeure flagrante : dans le monde, environ neuf assassinats de journalistes sur dix ne font l’objet d’aucune enquête ni poursuite. Nous avons besoin de justice et de responsabilité pour les victimes et leurs familles. Notre accès à l’information en dépend.Au cours des trois dernières années, le nombre de journalistes emprisonnés dans le monde a atteint des niveaux records, tandis que le harcèlement en ligne et les agressions physiques contre les médias sont en hausse.À chaque attaque contre un journaliste, à chaque tentative délibérée de faire taire un média, notre droit à l’information s’érode un peu plus. La désinformation mine notre paysage médiatique et numérique, et attise la haine ainsi que les divisions au sein de nos sociétés.Les attaques, la censure et l’emprisonnement de journalistes en Azerbaïdjan, en Géorgie, en Serbie et en Turquie illustrent une montée inquiétante de l’autoritarisme dans les pays voisins de l’UE et dans les pays candidats à l’adhésion. Partout dans le monde, les institutions gouvernementales, les autorités judiciaires et les forces de l’ordre ne protègent pas suffisamment les journalistes. La répression transnationale, la surveillance des journalistes et l’utilisation de logiciels espions se multiplient.L’Union européenne dispose d’outils pour promouvoir la liberté de la presse, mais encore faut-il la volonté politique de les faire fonctionner.En Europe, l’heure est venue de tester l’efficacité du Règlement sur la liberté des médias, du Paquet de mesures contre les poursuites bâillons (« anti-SLAPP »), et de la Recommandation sur la sécurité des journalistes. La Commission européenne doit veiller à la transposition effective de la directive anti-SLAPP dans les législations nationales, et mettre en œuvre les mesures proposées dans la recommandation anti-SLAPP afin de garantir une protection solide pour les journalistes.Une fois ces textes pleinement en vigueur, la Commission devra enquêter rapidement sur les États membres qui enfreignent le Règlement sur la liberté des médias (EMFA), et engager des procédures d’infraction si nécessaire.Par ailleurs, la suppression du financement de l’USAID, le gel des fonds destinés à Voice of America, et les menaces de fermeture qui pèsent sur RFA et RFE/RL représentent aujourd’hui une menace existentielle pour le paysage médiatique dans de nombreux pays.Les médias indépendants et les réformes en faveur de la liberté de la presse ont besoin de financements. Il est crucial que le cadre financier pluriannuel comporte des engagements clairs pour garantir la viabilité du journalisme indépendant et soutenir la sécurité des journalistes.Des médias indépendants et solides, engagés dans l’intérêt public, sont essentiels pour contrer les effets néfastes de la désinformation et de la polarisation. Il est donc impératif de faire du Bouclier européen pour la démocratie un outil ambitieux, apte à créer un environnement favorable au travail des journalistes.Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) doit continuer à fournir tout le soutien et la formation nécessaires à son personnel, y compris au sein des délégations de l’UE, pour qu’il puisse appliquer pleinement et de manière cohérente les lignes directrices de l’UE sur la liberté d’expression en ligne et hors ligne, et utiliser au maximum les relations bilatérales – y compris les accords commerciaux et les dialogues sur les droits humains – pour défendre la liberté de la presse autant que possible.Il est aujourd’hui vital que l’Union européenne prenne le leadership international dans la défense de la liberté de la presse – à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières – afin de résister à l’autocratie, d’améliorer l’accès à l’information, et, ce faisant, de défendre les droits humains. Mounir Satouri

Mounir Satouri