[Région] Contribution d’EELV Midi-Pyrénées à l’enquête publique environnementale du projet de Liaison autoroutière entre Castres et Toulouse

Introduction

Europe Écologie les Verts Midi-Pyrénées exprime un avis défavorable à l’enquête publique environnementale du projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, rejoignant en cela les avis et les réserves de structures compétentes en la matière, notamment l’Autorité environnementale et le Conseil national pour la protection de la nature. 

Europe Écologie les Verts Midi-Pyrénées a exprimé de longue date son opposition « sur le fond » au projet, pour des raisons environnementales (mais pas uniquement).   

Notre position prend aujourd’hui une acuité particulière.   

Les scientifiques nous invitent plus que jamais à penser la démobilité, à proposer un choc de l’offre en solutions alternatives pour sortir du tout voiture et réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre, à prioriser les solutions les plus sobres en ressources, en consommation de terres (notamment agricoles), les solutions les moins impactantes sur les écosystèmes et la biodiversité.   

Autant de conditions qui ne sont pas remplies par ce projet, qui va résolument à l’encontre de la résolution urgente des enjeux de ce siècle : la lutte contre le changement climatique et la pollution de l’air, la lutte contre l’artificialisation des terres, la reconquête de la biodiversité.   

Au-delà de ces enjeux environnementaux majeurs, ce projet ne répond en rien aux exigences de résorption des inégalités sociales et des fractures territoriales. Même si cette dimension n’est pas au cœur de cette enquête publique, nous considérons que ce projet va contribuer à aggraver la fracture entre les pôles urbains et certaines communes au nom d’un objectif d’« attractivité » qui aurait mérité d’être mieux argumenté par les défenseurs du projet.   

Europe Écologie les Verts complète son avis par des propositions alternatives, le réaménagement de la RN 126 et la mise en place d’une offre ferroviaire de qualité.  

Contribution déposée sur https://www.registre-numerique.fr/ep-liaison-autoroutiere-castres-toulouse.

Sommaire

I. L’autoroute, un projet dépassé en contradiction avec les enjeux climatiques et environnementaux de notre temps

  1. Enjeux climatiques et pollution de l’air
  2. Artificialisation des terres et remblais
  3. Biodiversité et espèces protégées
  4. Un projet cher à la construction, à l’usage pour un gain de temps aléatoire
  5. Un projet qui sacrifie les ménages modestes et la ruralité

II. Développer les infrastructures existantes, routière et ferroviaire, pour mieux répondre aux enjeux de notre siècle

  1. Le réaménagement de la RN126
  2. Le train présente des bénéfices considérables, avec un potentiel important d’optimisation


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I. L’autoroute, un projet dépassé qui ne répond pas aux enjeux climatiques et environnementaux de notre temps

En 2006, la décision a été prise de réaliser une autoroute gérée par un concessionnaire privé. Ce projet n’a jamais été remis en cause malgré une évolution des connaissances sur les enjeux climatiques, de pollution et de biodiversité.

Ce projet va à l’encontre des urgences de notre temps.

  1. Enjeux climatiques et pollution de l’air :

Les rapports du GIEC se succèdent et nous enjoignent à chaque fois plus fortement à réduire nos émissions de GES (gaz à effet de serre). Le dernier rapport appelle à des mesures immédiates et dans tous les secteurs pour « garantir un avenir vivable ». Quoi de plus clair pour re-questionner des grands projets routiers ?

Le programme européen Fit for 55 a fixé à 2030 une baisse de 55 % des GES (par rapport à l’année de référence 1990) et l’objectif de neutralité carbone en 2050.

La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) de mars 2020, définie pour atteindre l’objectif européen de baisse des émissions de GES, précise les leviers à utiliser : « maîtrise de la croissance de la demande notamment grâce au renforcement de l’économie circulaire ; report modal ; et optimisation de l’utilisation des véhicules pour le transport de voyageurs comme de marchandises. »

Ces objectifs et la SNBC imposent de prioriser les investissements dans des solutions de mobilités alternatives à la voiture individuelle, à faible impact carbone, les transports représentant 30 % des émissions de GES en France en 2017 (source SNBC).

Le projet d’autoroute Toulouse-Castres ne s’inscrit dans aucun schéma directeur existant (Projets de Territoire, Plans Climat des collectivités territoriales,  « Green New Deal » et Pacte Vert  de la  Région Occitanie etc.), il n’a pas été identifié comme « utile » dans tous ces documents pourtant stratégiques ; et surtout il entre en contradiction avec les principes et orientations de la SNBC.

A la construction, le concessionaire précise l’autoroute aurait un impact de 253 000 tonnes équivalent carbone (téqCO2).

L’augmentation attendue du trafic, et certainement des vitesses, feront augmenter les émissions par rapport à la situation actuelle. La massification de l’électrification reste hypothétique et ne compensera pas les augmentations.

En 2050, les émissions totales du projet s’élèveraient à 715 000 téqCO2, tandis que chaque habitant devra émettre seulement 2,1 tonnes de CO2 par an pour atteindre les objectifs du GIEC. Cette autoroute représenterait donc l’émission de 340 000 habitants sur un an (le Tarn a une population de 390 000 habitants)..

  • Artificialisation des terres et remblais

Cette autoroute artificialiserait 366 hectares d’espace naturels et agricoles : 232 ha de terres agricoles, 75 ha de prairies et milieux arbustifs, 41 ha de jardins et vergers, 13 ha de terres boisées, et 22,5 ha de zones humides.

Nous sommes loin de la sobriété foncière attendue par la loi Climat et Résilience qui se donne pour objectif le Zéro artificialisation nette d’ici 2050 (ZAN 2050).

Le futur concessionnaire NGE pratique une prospection foncière depuis 5 ans pour des besoins de remblais revus à la hausse (2,8 millions de m³ et 63 ha de carrières complémentaires), au mépris des données de l’étude d’impact environnemental ;

Des communes, des exploitations seraient coupées en deux, des parcours locaux rendus difficiles, une zone régulièrement inondable serait traversée (la vallée du Girou), le tout destructurant le tissu rural.

L’Autorité Environnementale dans son avis du 6/10/22 a émis les réserves suivantes [1] :

« L’étude d’impact comporte encore de nombreuses lacunes » estime le rapport qui constate aussi un décalage entre le projet de départ et les données d'aujourd'hui. "Ce projet routier, initié il y a plusieurs décennies, apparaît anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de la pollution de l’air, d’arrêt de l’érosion de la biodiversité et de l’artificialisation du territoire et d’évolution des pratiques de mobilité et leurs liens avec l’aménagement des territoires. La justification de raisons impératives d’intérêt public majeur du projet au regard de ses incidences sur les milieux naturels apparaît limitée. »

  • Biodiversité et espèces protégées

L’Autorité environnementale rappelle que « en matière d’atteinte aux espèces protégées, pour pouvoir justifier de raisons impératives d’intérêt public majeur, la jurisprudence du Conseil d’État requiert des arguments complémentaires, et pour certains significativement plus exigeants que ceux requis pour l’utilité publique. À ce stade, les gains attendus en matière de sécurité routière, la réduction des nuisances et des risques liés au trafic dévié de certains secteurs habités et l’augmentation de la facture énergétique liée à l’encouragement à la mobilité routière semblent des justifications limitées. »

Le Conseil national pour la nature (CNPN) émet un avis défavorable à ce projet de création autoroutier[2] (12/09/2022).

Le Conseil pointe des erreurs dans les mesures ERC (Eviter-Réduire-Compenser) page 5 et 6 de l’avis et « ne considère pas les arguments invoqués comme suffisants pour constituer une RIIPM (Raison impérative d’intérêt public majeur) ». Ce dossier, dit-il,  « s’inscrit en contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, avec l’objectif du zéro artificialisation nette et du zéro perte nette de biodiversité. (...) La coexistence de l’actuelle RN126 et d’une nouvelle autoroute accroît les ruptures de continuités écologiques, la destruction des habitats et l’artificialisation du territoire. »4

  • Un projet cher à la construction, à l’usage pour un gain de temps aléatoire

Un budget adopté à hauteur de 480 M€ soit 23 M€ supplémentaires (+4,8%) au montant présenté lors de l'enquête publique.

Un tarif de péage prohibitif de 6,77€ auxquels il faudra rajouter 1,60€ à l’Union, soit 8,37€ pour un aller et 16,74€ pour un aller retour, hors de portée pour la majorité des gens qui doivent utiliser cette liaison de manière régulière.

Des promesses de temps de trajets qui semblent sur évaluées.

La société NGE/ATOSCA, dans son exposé devant le Préfet a annoncé un gain de temps de 35 min pour effectuer 62 km au total ! Alors que les dossiers de présentation envisagaient un gain de temps de 10 à 15 minutes.

Rappelons par ailleurs l’objectif de la convention citoyenne pour le climat d’octobre 2020, mode de concertation que la Région Occitanie affectionne : Objectif SD A3 : « nous souhaitons mettre en place une réduction de la vitesse sur autoroute en passant de 130 km/h à 110km/h ». Dans ces conditions, le temps de parcours de 62km serait au mieux de 34 min.

Les automobilistes qui ne voudront pas prendre l’autoroute auront des conditions de déplacement dégradées.  Ils devront repasser par les centres villes de Soual, Puylaurens et Verfeil, dont les contournements sont déjà aménagés gratuitement pour des raisons de sécurité, mais qui seront intégrés à l’autoroute. Il n’y aura pas d’autre itinéraire bis sécurisé hors autoroute et le temps de trajet sera augmenté de 15 à 20 mn sans compter l’augmentation des embouteillages, passages de camions, bruit, pollution qui avaient été fortement réduits grâce aux contournements réalisés.

  • Un projet qui sacrifie les menages modestes et la ruralité

Du fait du prix du foncier dans la métropole toulousaine, des catégories sociales modestes ne peuvent accéder à la propriété. L’arrivée de l’autoroute va inciter ces personnes à devenir propriétaire le long de son axe, en milieu rural, et les éloigner de leur lieu de travail.

Le piège de la cherté du carburant, du péage et de l’automobile va se refermer sur elles. S ‘y ajoute le risque de créer des lotissements dortoirs déconnectés du territoire. Le sentiment de déclassement social pourrait ainsi se renforcer et conduire à des rejets toujours plus forts de la politique qui les aura oubliées.

II. Développer les infrastructures existantes pour protéger l’environnement

  1. Le réaménagement de la RN126

L’Autorité environnementale “recommande d’approfondir l’analyse des variantes, notamment l’option ASP [aménagement sur place], en fournissant explicitement une description et un chiffrage de cette alternative pour la comparer avec la solution retenue. »

Pour le CNPN, “l’élargissement de l’infrastructure existante (RN126) constituerait probablement une solution de moindre impact plus acceptable et raisonnable.”

En 2017, une pré-étude a été réalisée[3] à la demande de la commune de Teulat, maître d’ouvrage (MOA) représentant un groupement de collectivités (conseil régional Occitanie, conseil départemental de la Haute-Garonne, communes et communautés de communes du Tarn et de la Haute-Garonne).

Cette étude indique que :

  • La réalisation des contournements et aménagements nécessaires à la sécurisation de la RN 126 ne dépasserait pas un coût de 160 Millions d’€ HT (calculs de 2015) contre 480 millions pour la concession autoroutière.      
  • le trajet seraient entièrement gratuit et sécurisé                 
  • le temps serait de 43 mn contre 35 mn prévu par l’autoroute, mais non réalisable (voir I.D) .     
  • Les aménagements contournant Soual, Puylaurens et Verfeil resteraient gratuits.
  • Le train présente des bénéfices considérables, avec un potentiel important d’optimisation

Le train présente des bénéfices considérables sur de nombreux plans :

Le train est très efficace énergétiquement : le contact acier contre acier consomme 7 fois moins d’énergie que le contact pneu contre route.

En comparaison du train, il convient de prendre en compte la pollution par les particules issues de l’abrasion des freins et des pneus des véhicules sur la route reste, encore souvent méconnue du grand public, selon les recommandations de l’ ADEME[4] : “Alors que les émissions de particules à l’échappement ont très nettement baissé avec la généralisation des filtres à particules, celles hors échappement provenant de l’abrasion des freins, des pneumatiques et des chaussées deviennent prépondérantes et représentent en France en 2019, plus de la moitié des particules émises par les transports routiers. Si les véhicules électriques, grâce au freinage régénératif, émettent moins de particules de frein que les véhicules thermiques, elles émettent plus de particules provenant du contact pneu-chaussée et de la remise en suspension, du fait de la plus grande taille de leur pneumatique due à leur masse plus importante.”

Il faut rappeler que ces émissions de particules fines (PM 10) présentent un danger pour la santé (voir l’article de l’ADEME et les nouvelles normes de l’OMS[5]) .

Le train génère jusqu’à 50 fois moins de gaz à effet de serre qu’une voiture.

Le train, c’est du temps "utile" gagné : voyager en train permet de ne pas être absorbé par la conduite et le train mène au centre-ville de Toulouse.

Le train nous invite à une autre vision de l’aménagement du territoire : tout est fait depuis des décennies pour organiser les activités autour de la route, ce qui encourage l’étalement urbain, avec les lotissements, les grandes surfaces et les zones d’activités périphériques qui vident les centres-villes. Il convient prioriser l’urbanissation autour des pôles de multimodalité, en particulier les gares.

Etat des lieux de l’infrastructure et de l’offre ferroviaire

La voie est doublée jusqu’à Saint Sulpice sauf les 2 tunnels de Castelmaurou et de Montastruc-la-Conseillère. Elle est en voie unique de Saint-Sulpice à Mazamet.

Horaires et temps de trajet entre Toulouse et Castres

05:4106 :4307:5011:4313:44  15:4316:4317:1917:4018:4720 :43
1h131H151h131h081h071h131h061h131h141h121h14

Entre Castres et Toulouse :

05:5106:1406:5808:0209:0710:5112:5514:5517:5318:5820:03
1h101h161h081h081h071h101h071h071h131h101h11

Le temps de trajet varie entre 1h06 et 1h16.

L’ offre est insuffisante en 10h et 17h et inadaptée aux nouveaux modes de vie et de travail (horaires variables). Pas d’offre après 21h.

Propositions d’optimisation

A court terme, il faut envisager des rames doubles et remplir les heures creuses avec un cadencement à l’heure (avec une minute régulière) tous les jours avec une amplitude horaire plus large.

Étudier avec les usagers et les riverains la pertinence d’un élargissement de l’amplitude jusqu’à minuit.

Étudier la création d’un 2e point de croisement pour augmenter le cadencement de l’heure à la demi-heure par la création d’un nouveau point de croisement ou l’aménagement de la 2e voie non utilisée à Vielmur-sur-Agout.

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Sources :

Avis de l'Autorité environnementale (Avis délibérés n° 2022-62 et 2022-73 adoptés lors de la séance du 6 octobre 2022)

https://www.lvel.fr/_files/ugd/87cfab_27e227c2f8af4a0a8892fe97acee6be0.pdf

-Avis du Conseil national de protection de la nature (septembre 2022)

https://www.avis-biodiversite.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2022-03-13a-00420_liaison_autoroutiere_verfeil_-_castres_a69__castres_81.pdf

-Documents de l’enquête publique 2016-2017 sur le site du collectif RN126 :

Dossier DREAL soumis à Enquête publique :

https://collectifrn126.sitego.fr/le-dossier-autoroutier-soumis-a-enquete-publique.html

Synthèse avis FNE-Collectif RN126. Janvier 2017 :

https://drive.google.com/file/d/16nhq4Eu916v8hSxse4mYv1mtF9eNpwm-/view

Avis du collectif PACT :

https://drive.google.com/file/d/1gPGWSUVjmdOfx06HSwtgbWIya4Of-Fok/view

Conclusions et avis de la commission d’enquête sur la mise en conformité des documents d’urbanisme :

https://drive.google.com/file/d/1HKtDdScc4T61gVQ63d6xYaUEyedSR288/view

Dossier des engagements de l’État (ne prenant pas en compte les réserves de l’EP)

https://www.occitanie.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_des_engagements_de_l_etat_de_l_a69.pdf


[1]                           https://www.lvel.fr/_files/ugd/87cfab_27e227c2f8af4a0a8892fe97acee6be0.pdf

[2]                           https://www.avis-biodiversite.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2022-03-13a-00420_liaison_autoroutiere_verfeil_-_castres_a69__castres_81.pdf

[3]                           https://drive.google.com/file/d/0B3-dxW720hw3eXhmdkN0N1c2eGs/view?resourcekey=0-7ivqt-Pya7KAxYZEDMbIrg

[4]                           https://presse.ademe.fr/2022/04/plus-de-la-moitie-des-particules-fines-emises-par-les-vehicules-routiers-recents-ne-proviennent-plus-de-lechappement.html

[5]                           https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/pollution-de-l-air-l-oms-revise-ses-seuils-de-reference-pour-les-principaux-polluants-atmospheriques