Lettre ouverte à celles et ceux qui s'enferment dans la haine autour de Sivens

Non, nous partirons pas ! Pierre et Nadine Lacoste publient une lettre ouverte, émouvante, bouleversante, à celles et ceux qui s'enferment, et qui continuent à le faire, dans la haine (voir le Tarn Libre du 3 juin 2016). Ils ont vraiment tout notre soutien. Ma famille est à Barat depuis six générations. Mon arrière-grand-père était paysan-meunier-boulanger au moulin de Barat. Mes ancêtres et moi-même avons vu les maisons et fermes se vendre, changer de propriétaires. Certains sont restés longtemps, d'autre moins, mais à Barat aucune famille n'est plus ancienne que la mienne. Malgré les mauvais coups du sort les difficultés rencontrées dans le métier de paysan, les querelles qu'il y a eu parfois entre voisins, nous sommes toujours restés là. Les événements de ces dernières années et les prises de position de chacun ont divisé la population. Mes parents avec les voisins ont été les premiers à s'opposer au projet de barrage à Sivens il y a de cela plus de 40 ans et chaque fois que nécessaire par la suite. Aujourd'hui mon épouse et moi-même avons pris la suite persuadés de la stupidité d'un tel- projet et conscients qu'il mettait en péril notre avenir en tant que paysans à Barat. Mais comme dit plus haut les fermes et les maisons changent de mains et les nouveaux arrivants (parfois ici depuis plus de 20 ans et issus de familles de paysans profondément opposés à ce barrage), pour les raisons qui sont les leurs, ont préféré se ranger du côté des partisans du barrage. C'est alors que les choses se sont gâtées. Est-ce la cupidité de certains ? La bêtise d'autres, mais voilà que depuis un an et demi, nous sommesvictimes de persécutions, de harcèlement et d'actes de vandalisme, sans que leurs auteurs s'en trouvent sanctionnés ou le moins du monde inquiétés. Non, nous ne partirons pas ! Malgré une lettre anonyme nous ordonnant de quitter le coin en ces termes : "on va te crever, on va te chauffer les pieds toi et ta famille", malgré les menaces de mort verbales proférées à mon encontre, malgré les voitures ou tracteurs qui passent vite et très près quand nous sommes sur la route avec parfois le chauffeur qui vocifère «quand je vois ta gueule j'ai envie d'accélérer!», malgré les coups de téléphone dans la nuit pour nous rappeler combien une exploitation agricole est vulnérable, malgré la perte de 8 hectares de prairies pour mes vaches car les promoteurs du projet de barrage de Sivens ont préféré servir et récompenser largement les pro-barrage en oubliant volontairement la petite agriculture spécialisée en circuit court, celle-là même qu'ils disent vouloir encourager, malgré les pancartes accrochées au bout de notre chemin indiquant, "A vendre", malgré le fait de devoir recroiser une personne qui avec ses amis pro barrage en mars 2015nous a empêchés de sortir de chez nous, de rejoindre notre enfant, en braillant devant les journalistes et les forces de l'ordre «Eux ils ne sortent pas de chez eux, ils ne vont pas où ils veulent», malgré toutes les fois où nous n'avons pas pu emmener notre fils à l'école (les forces de gendarmerie nous ayant même proposé de l'escorter pour le protéger), et toutes les fois où ma femme n'a pas pu aller au travail de peur de se faire retourner la voiture, malgré toutes les injures que lui lançaient ces gens début mars 2015 soit disant venus libérer la zone de Sivens de l'occupation des zadistes, malgré les clôtures de mes prairies maintes fois arrachées sur plusieurs centaines de mètres, malgré du fil de fer répandu sciemment dans l'herbe de fauche, le risque étant grand de voir cet hiver plusieurs vaches mourir après avoir ingéré ce foin rendu impropre par ces dé- bris métalliques, malgré le fait d'avoir été empêché de circuler sur certains chemins ruraux empruntés de tout temps pour accéder à mes terres, malgré la réponse de l'adjointe a la Mairie de Lisle-sur-Tarn qui me dit de faire un ouvrage sur le Tescou plutôt que de passer sur le chemin rural pour ne point importuner certaines personnes, aujourd'hui, malgré le risque de voir ces mêmes portions de chemins vendues par la commune, vente qui me priverait du droit de circuler librement afin de pouvoir travailler malgré tout cela non, nous ne partirons pas. Pierre et Nadine Lacoste